Placé sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est un organisme public de recherche dont la mission est de produire du savoir et de mettre ce savoir au service de la société. La création du CNRS consacre ainsi une tradition française séculaire de « science service public ». Pour ce faire, il s’investit lui-même dans la production du savoir au travers de ses dix instituts et finance les projets de recherche et les chercheurs.
Selon l’institut Scimago, le CNRS est la première institution scientifique au monde. L’institut, un groupe de recherche qui réalise des cartographies des activités de recherches, prend en compte dans son classement la production scientifique, le nombre de citations, la collaboration internationale. Le CNRS arrive d’ailleurs au deuxième rang des contributeurs de la revue Nature en 2010. Autre classement : selon, le site Webometrics qui mesure la visibilité sur le Web des instituts de recherche, le CNRS figure au quatrième rang mondial et au premier rang européen.
« Coordonner l’activité des laboratoires en vue de tirer un rendement plus élevé de la recherche scientifique », c’est ainsi que le décret loi du 19 octobre 1939 entérinait la création du Centre National de la recherche scientifique. Vocation nationale et pluridisciplinarité sont alors affirmés et le CNRS marque sa volonté de couvrir tout les champs de la recherche qu’elle soit fondamentale ou appliquée.
Six semaines après le début de la seconde guerre mondiale, un CNRS bicéphale naît dans la plus grande discrétion. Cette création voulue par Jean Zay alors ministre de l’Education nationale et des Beaux Arts et appuyée par ses sous-secrétaires d’Etat à la recherche, Irène Joliot-Curie puis Jean Perrin, est paradoxalement favorisée et pérennisée par la seconde guerre mondiale. Tous avaient encore en mémoire, l’hécatombe de la guerre de 14-18 qui avait fait disparaitre plusieurs générations de chercheurs car tous ceux que comptait alors l’Hexagone avaient été mobilisés.
Pour palier une nouvelle disparition du corpus scientifique, les autorités décident alors d’affecter des chercheurs au seul centre. La guerre orienta bien évidemment l’éthique première du CNRS puisque dès sa création, les recherches furent menées pour les besoins de l’armée française, à tel point qu’on les taxa de « science conquérante ». Mais le Centre se dépouilla bien vite de ces oripeaux belliqueux pour entrer dans l’ère de la recherche appliquée et l’arrivée du Général de Gaulle au pouvoir en 1958, marque l’ouverture d’une période qualifiée d’ « âge d’or de la recherche scientifique ». Le budget du CNRS double d’ailleurs entre 1959 et 1962.
Classé comme établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), le CNRS est placé sous la tutelle administrative du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Sa mission est « d'animer le développement de la recherche scientifique et de coordonner les travaux qui s’y rapportent ». L’organisme déploie ainsi la palette de ses trois rôles fondamentaux dans la recherche. Le premier est le financement du fonctionnement de la recherche. Il finance 1170 laboratoires de recherche, dont 98 unités propres et 1072 unités mixtes de recherche (UMR), partagées avec un établissement d’enseignement supérieur, un autre organisme de recherche, une fondation ou une entreprise.
Ces unités de recherche sont évaluées tous les quatre ans par le Comité national du CNRS ; évaluation qui conditionne son apport financier et peut mener à la réorganisation ou à la rupture du contrat d’association avec l’unité. Ensuite, l’institution rémunère les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens, qui travaillent dans les unités de recherche du CNRS ou dans les unités associées. Enfin, le centre sélectionne et finance les projets de recherche spécifique.
Cependant, depuis le discours de Nicolas Sarkozy du 28 janvier 2008 à Orsay, un anathème pèse sur l’organisme et son avenir souffre d’une controverse. D’après le Président de la République, le CNRS et les autres EPST doivent, à terme, devenir des agences de moyens et cesser de mener directement des activités de recherche. Or, aujourd’hui, le CNRS est à la fois un opérateur de recherche et une agence de moyens. Certains prétendent pourtant qu’il a d'ores et déjà perdu son rôle d’évaluateur national, au bénéfice de l’Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur (AERES) créée par décret le 3 novembre 2006. Rôle sans lequel celui d’agence de moyens devient symbolique. Des observateurs prédisent déjà que dans un futur assez proche, des organismes comme l’AERES seront transférés à l'Union européenne, mettant définitivement fin à toute apparence d'indépendance de la recherche française.
Le découpage du CNRS
Les instituts du CNRS
Sa mission étant la pluridisciplinarité, le CNRS mène des recherches dans l’ensemble des domaines scientifiques, technologiques et sociétaux grâce à ses dix instituts dont trois sont nationaux. Chaque institut gère la politique scientifique de son domaine.
Institut de Chimie (INC) - Directeur : Régis Réau
Les thématiques scientifiques de l’institut couvrent à la fois la chimie du vivant pour l’exploration et le développement de nouveaux modèles et outils pour la pharmacologie, les biotechnologies, la médecine, la cosmétologie, l’agro-alimentaire et le phytosanitaire. Mais ses recherches s’étendent aussi à la chimie verte, le développement durable et le développement de la nanochimie.
Issu de la nouvelle organisation du CNRS officialisée par décret paru le 1er novembre 2009, l'institut écologie et environnement (INEE) a pour mission d’étudier la biodiversité, les relations hommes-milieux, et les conséquences des actions de l’homme sur l’environnement... L’institut s’attache ainsi à l’étude de l’écologie, des écosciences, de la biodiversité, l’impact des changements globaux, santé - environnement, ressources, chimie écologique et environnementale, etc.
L’INP a deux motivations principales : le désir de comprendre le monde et la volonté de répondre aux enjeux actuels de notre société. Dans cette optique, les laboratoires de l'INP sont regroupés autour de deux grands domaines : lois fondamentales, optique et lasers et la physique de la matière condensée et nanosciences.
Institut national de physique nucléaire et physique des particules (IN2P3) - Directeur : Jacques Martino
Créé en 1971, l’Institut mène des recherches dans les domaines de la physique nucléaire, la physique des particules et les astroparticules. En partenariat avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), ces recherches visent à explorer la physique des particules élémentaires, leurs interactions fondamentales ainsi que leurs assemblages en noyaux atomiques, et d’explorer les connexions entre l’infiniment petit et l’infiniment grand.
Institut des sciences biologiques (INSB) - Directeur : Patrick Netter
Cet institut est l’illustration de l’une des ambitions du CNRS : la transversalité des sciences. En effet, les nouvelles démarches scientifiques comme l’irruption des nouveaux outils à haut débit et, plus globalement, la haute sophistication des techniques expérimentales en sciences du Vivant sont le plus souvent développées par des disciplines autres que la biologie (physique, chimie, micro- et nanotechnologies, informatique). Les axes de recherche de l’INSB sont ainsi très diversifiés : biologie structurale, bioinformatique, pharmacologie, neurosciences, sciences cognitives, immunologie, génétique, biologie cellulaire, microbiologie, physiologie, biologie végétale, biologie des systèmes, biodiversité ...
Institut des sciences humaines et sociales (INSHS) - Directeur : Patrice Bourdelais
Sa mission est de développer les recherches sur l’homme, aussi bien comme producteur de langages ou de savoirs que comme acteur économique, social ou politique. Ses recherches embrassent ainsi les cultures et sociétés dans l'histoire, les hommes, les sociétés et leur environnement, le comportement, la cognition et la communication et les mondes contemporains.
Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI) - Directeur : Guy Métivier
L’INSMI anime le réseau des laboratoires de mathématiques avec pour objectif de conforter le rayonnement mondial des mathématiques françaises (au 2ème rang derrière les USA). La recherche mathématique française étant majoritairement universitaire, le rôle de l’INSMI est de structurer et conduire une politique nationale pour la recherche mathématique.
Institut des sciences informatiques et de leurs interactions (INS2I) - Directeur : Philippe Baptiste
L’institut a une double casquette d’opérateur de recherche et d’agence de moyens. Il organise et développe les recherches dans les domaines des sciences informatiques et du numérique. L’INS2I repose sur cinquante unités relevant de l’informatique, du traitement du signal et des images, automatique et robotique. Ces unités se sont construites en partenariat étroit avec des universités et des grandes écoles autonomes.
Institut national des sciences de l’univers (INSU) - Directeur : Jean-François Stéphan
L’institut élabore, développe et coordonne les recherches d’ampleur nationale et internationale en astronomie, sciences de la Terre, de l’océan, de l’atmosphère et de l’espace. De ce fait, ses thématiques scientifiques sont très larges et concernent aussi bien l’océanographie, la géologie, la géophysique, la climatologie, l’hydrologie, que l’astronomie, ou l’astrophysique…
Institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes (INSIS) - Directeur : Pierre Guillon
Sa double mission d’opérateur et d’agence de moyens, permet à l’INSIS d’assurer le continuum Recherche fondamentale - Ingénierie – Technologie. Ses thématiques phares sont : les sciences et technologies des automatismes, des signaux et des systèmes électroniques et photoniques et les sciences et technologies de la mécanique, de l’énergie et des procédés.
Le Comité national de la recherche scientifique
Au sein du CNRS, c’est lui qui est chargé de l’évaluation de la recherche scientifique des unités de recherche financées par le CNRS et de chaque chercheur rémunéré par l’organisme. Il regroupe le Conseil scientifique du CNRS, les Conseils scientifiques d'institut, les Sections et les Commissions interdisciplinaires. Chacune des 40 sections de ce comité est composée de 21 membres spécialistes du domaine scientifique concerné et sont issus d’horizons différents : chercheurs du CNRS ou d’autres EPST mais aussi du secteur privé, et des chercheurs étrangers.
Un tiers d’entre eux est nommé par le ministère de la Recherche, deux tiers sont élus par l’ensemble des personnels de recherche du domaine afin de permettre un contrôle des orientations scientifiques et de garantir l’indépendance de la recherche. Les 40 sections analysent la conjoncture et ses perspectives et se constituent en jurys d’admissibilité pour le recrutement des chercheurs. Elles analysent la conjoncture scientifique et ses perspectives d’évolution au CNRS, en France et à l’étranger. Elles mettent en particulier en évidence au niveau international les nouveaux thèmes qui émergent dans leur domaine, les principales découvertes, les perspectives et les enjeux actuels, et dégagent les forces et les faiblesses de la recherche française. A noter qu’il n’existe pas de code déontologique et méthodologique de l’évaluation professionnelle au CNRS mais chacune des sections publie lors de son renouvellement, les critères qui seront employés pour mener l’évaluation des chercheurs et des laboratoires.
Les sections
L'ensemble du champ des connaissances est divisé en disciplines ou groupes de disciplines qui correspondent aux sections du Comité national de la recherche scientifique. Ce découpage est régulièrement adapté à l’évolution de la science et des champs disciplinaires par un remaniement du nombre de sections, et de leurs intitulés. Les sections sont au nombre de 40 depuis 1991.
1. Mathématiques et interactions des mathématiques
2. Théories physiques : méthodes, modèles et applications
3. Interactions, particules, noyaux du laboratoire au cosmos
4. Atomes et molécules, optiques et lasers, plasmas chauds
5. Matière condensée : organisation et dynamique
6. Matière condensée : structures et propriétés électroniques
7. Sciences et technologies de l'information (informatique, automatique, signal et communication)
8. Micro et nano-technologies, électronique, photonique, électromagnétisme, énergie électrique
9. Ingénierie des matériaux et des structures, mécaniques de solides, acoustique
10. Milieux fluides et réactifs : transports, transferts, procédés de transformation
11. Systèmes supra et macromoléculaires : propriétés, fonctions, ingénierie
12. Architectures moléculaires : synthèses, mécanismes et propriétés
13. Physicochimie : molécules, milieux
14. Chimie de coordination, interfaces et procédés
15. Chimie des matériaux, nanomatériaux et procédés
16. Chimie du vivant et pour le vivant : conception et propriétés de molécules d'intérêt biologique
17. Système solaire et univers lointain
18. Terre et planètes telluriques : structure, histoire, modèles
19. Système Terre : enveloppes superficielles
20. Surface continentale et interfaces
21. Bases moléculaires et structurales des fonctions du vivant
22. Organisation, expression et évolution des génomes
23. Biologie cellulaire : organisation et fonctions de la cellule ; pathogènes et relations hôte/pathogène
24. Interactions cellulaires
25. Physiologie moléculaire et intégrative
26. Développement, évolution, reproduction, vieillissement
27. Comportement, cognition, cerveau
28. Biologie végétale intégrative
29. Biodiversité, évolution et adaptations biologiques : des macromolécules aux communautés
30. Thérapeutique, médicaments et bio-ingénierie : concepts et moyens
31. Hommes et milieux : évolution, interactions
32. Mondes anciens et médiévaux
33. Mondes modernes et contemporains
34. Langues, langage, discours
35. Philosophie, histoire de la pensée, sciences des textes, théorie et histoire des littératures et des arts
36. Sociologie, normes et règles
37. Economie et gestion
38. Sociétés et cultures : approches comparatives
39. Espaces, territoires et sociétés
40. Politique, pouvoir, organisation
Les délégations régionales
Les 19 délégations régionales du CNRS assurent des missions de représentation au sein des instances locales impliquées dans la recherche et l’enseignement supérieur, de gestion de proximité des laboratoires et des personnels et d'accompagnement des projets scientifiques locaux.
Les laboratoires du CNRS
Le CNRS possède 98 laboratoires de recherche appelés unités propres de recherche (UPR) ou unités de service et de recherche (USR) mais il participe aussi au financement de 1223 laboratoires de recherche auxquels il fournit des personnels. 90% de ces laboratoires sont associés à des établissements d’enseignement supérieur. Les formes de ces contrats d’associations donnent le nom à ces laboratoire comme la célèbre UMR ou Unité mixte de recherche entre le CNRS et une université ou encore l’unité de recherche associée (URA). En plus de ces laboratoires, des unités de services communs regroupent des moyens de soutien à la recherche comme les services administratifs communs, les centres de calcul ou les bibliothèques. Ainsi, l’Institut de l’information scientifique et technique est spécialisé dans la conservation et la diffusion de publications scientifiques.
Les distinctions
Plusieurs prix Nobel français ont été employés par le CNRS, mais la plupart ont travaillé dans des laboratoires universitaires associés. Ainsi, le CNRS associe son nom à cinq prix Nobel de physique, un prix Nobel de médecine remporté en 2008 par le professeur Luc Montagnier après des années de controverse sur la paternité de la découverte du virus du Sida, et un prix Nobel de chimie. Coté mathématiques, la prestigieuse médaille Fields a récompensé pas moins de huit mathématiciens du CNRS ou associés. Concernant toujours les mathématiques, le prix Abel a récompensé un chercheur du CNRS en 2003. Le CNRS décerne aussi depuis 1954, ses propres médailles tous les ans qui se déclinent comme aux jeux Olympiques en médaille d’or, d’argent et de bronze et depuis 1992, l’organisme décerne aussi le Cristal du CNRS pour récompenser les techniciens, ingénieurs et personnels administratifs.
L’organisme est financé en majorité par des subventions d’Etat et pour 2011, le budget primitif s’élève à 3,204 milliards d'euros dont 677 millions d’euros de ressources propres
Ainsi, le budget pour 2010 s’élevait à 3 116,301 M€ et se déclinait comme suit :
Subventions pour charge de service publique + post doc : 2510,373 M€ 80% du budget
Autres subventions et produits : : 59,150 M€ 2% du budget
Produits valorisés de l’activité de recherche et prestations de services : 68,306M€ 2% du budget
Contrats et soutiens finalisés à l’activité de recherche : 478,471 M€ 15% du budget
Entre 2001 et 2010, le budget du CNRS n’a cessé d’évoluer avec une dotation de 2400 milliards d’€ en 2001, puis une plongée à 2200 milliards d’€ en 2002 avant une progression constante jusqu’en 2010 avec 3 116,301 milliards d’€.
Les dépenses du CNRS par nature de crédit (hors charges calculées)
Dépenses de personnel limitatives : 2020,880 M€ 65%
Dotations globales : 909,149 29%
Opérations d’investissements programmées : 32,615 M€ 1%
Autres dépenses de personnel sur ressources propres 153,656 5%
Le budget 2010 par activités de recherche conduites par les Unités de Recherche soit une ventilation de 2 618,726 milliards d’€ (Subvention d'Etat et Ressources propres) :
- Mathématiques : 36,23 millions d’€
- Sciences et technologies de l'information et de la communication : 134,99 millions d’€
- Physique : 105,81 millions d’€
- Chimie : 195,68 millions d’€
- Sciences pour l'ingénieur : 91,14 millions d’€
- Physique nucléaire et des hautes énergies : 128,91 millions d’€
- Sciences de la planète et de l'univers : 152,80 millions d’€
- Sciences de l'environnement : 316,32 millions d’€
- Sciences de l'homme et de la société : 263,47 millions d’€
- Interdisciplinaires : 598,44 millions d’€
- Opérations scientifiques réalisées hors CNRS : 113,77 millions d’€
- Dotations à répartir : 124,57 millions d’€
- Biologie cellulaire et moléculaire : 141,08 millions d’€
- Biologie intégrative et neurosciences : 144,18 millions d’€
- Génétique : 71,33 millions d’€
Le CNRS a toujours été la cible des critiques et polémiques de tous bords et nombreux ont été les gouvernements à vouloir réformer l’institution.
La première réforme d’importance date de 1982 : la loi Chevènement fonctionnarisa le personnel du CNRS. Ses partisans estimèrent qu’elle permettait aux chercheurs de pouvoir bénéficier d’une stabilité propice aux recherches fondamentales qui n’est plus dépendante de la grande industrie et des financements privés. Les adversaires montèrent au créneau en brandissant les ratés de la machine administrative qui ne peut, selon eux, encourager les bons chercheurs. Allégation discutable quand on songe qu’un seul Nobel a été récompensé avant la réforme, les autres l’ont été après ! Pourtant, la polémique a la vie dure et vingt ans plus tard, l’ouvrage d’Olivier Postel Vinay, alors directeur de la rédaction du magazine La Recherche, abonde dans ce sens dans son ouvrage « Le grand gâchis - splendeur et misère de la science française ». Il explique que le CNRS emploie onze mille chercheurs environ, mais ne parvient à en licencier qu'un ou deux chaque année. Licenciements souvent annulés d’ailleurs par le tribunal administratif.
Claude Allègre alors ministre de la Recherche en 1998, s’attela lui aussi, à une réforme du CNRS « à la hussarde ». Ce nouveau médaillé d’or de l’organisme – il est récompensé en 1994 – est pourtant légitime. Las ! La manière forte ne passe pas dans les laboratoires des chercheurs qui goutent jalousement leur indépendance. En 1998, il demande une réorganisation du découpage en sections disciplinaires du Comité national mais il se heurte à un refus catégorique, en particulier de Catherine Bréchignac, qui dirige alors l’organisme. L’été, lors d’un comité interministériel sur la recherche, Claude Allègre obtient un feu vert pour une réforme de grande ampleur. A la rentrée, il fait proposer par le président du CNRS, Edouard Brézin, une réforme des statuts de l'organisme. Elle met le feu aux poudres et provoque une levée de bouclier de la part des chercheurs.
Présentée comme une «modernisation», un «rapprochement avec l'université», elle est interprétée comme la volonté de faire passer le CNRS sous la coupe de l’université, de le transformer en distributeur d’argent pour des labos qu'il ne piloterait plus vraiment. Les chercheurs sont au bord de la crise de nerf. Ils sont furieux de ne pas avoir été consultés par le ministre et d’avoir subi son «autoritarisme», ses « méthodes à la hussarde », et lui reprochent « un terrible manque de souffle ». « Où sont les grands objectifs scientifiques? Quand a-t-il tenté de mobiliser les chercheurs sur les enjeux de société?», s’insurge l’astrophysicien Richard Gispert de Institut d'Astrophysique de Paris à Orsay.
La recherche française descend dans la rue et mène à la fronde de l’ensemble de la recherche publique contre le gouvernement accusé d’avoir procédé à d’importantes coupes dans les crédits de la recherche. Ces réformes masquaient surtout une volonté du politique de contrôler la stratégie scientifique d’un organisme jugé trop indépendant.
Mais en France, la recherche est considéré comme un bien publique et collectif et les gouvernants ne se découragent pas à œuvrer dans le sens des réformes. Ainsi le 7 mars 2006, la loi sur la recherche est débattue au parlement. A nouveau, elle ne répond pas aux attentes des chercheurs du CNRS et aux autres organismes de recherche publique, en particulier les chercheurs du collectif « Sauvons la recherche ».
Dans la foulée, la création de l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur (AERES) pour l’évaluation de la recherche et de l’Agence Nationale de la recherche (ANR) pour le financement modifie le paysage de la recherche française et son organisation. Les chercheurs du CNRS accusent les autorités de vouloir faire du CNRS une simple agence de moyens en lui enlevant son rôle d’évaluation. D’ailleurs le prix Nobel de physique Albert Fert souligne la redondance de ces nouvelles structures avec celles du CNRS.
Et les polémiques vont bon train. En 2007, l’idée de l’agence de moyen continue à faire des émules. Il est alors question de transformer le CNRS en financeur de projets scientifiques et non plus de structures et de réaffecter ses 20 000 employés dans les universités. Mais la politique définie par Nicolas Sarkozy dans son discours du 28 janvier 2008 reste en place. D'après ce discours, le CNRS et les autres établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) doivent à terme, devenir des agences de moyens et cesser de mener directement des activités de recherche.
Le conseil d'administration du CNRS du 27 mars 2008 a confirmé la stratégie de découpage du centre en un ensemble d’instituts qui pourront, discrètement, transférer aux universités personnels et programmes de recherche. Pour Catherine Bréchignac alors présidente du CNRS, l’organisme est à la fois un opérateur de recherche et une agence de moyens. Pourtant, bon nombre d’acteurs et d’observateurs se demandent si l’organisme n’a pas d'ores et déjà perdu son rôle d'évaluateur national, au bénéfice de l'AERES ; rôle sans lequel celui d'agence de moyens devient symbolique.
Horizon 2020 - Plan stratégique du CNRS
Le CNRS ne baisse pas les bras. En 2006, il lance le plan « CNRS - Horizon 2020 ». Mais il est reporté par le ministère chargé de la Recherche, après avoir été validé en juin 2007 par le conseil scientifique du CNRS. Il est ensuite modifié par la Direction générale de la recherche et de l’innovation. Fin février 2008, la ministre de la Recherche Valérie Pécresse traduit les orientations demandées par le Président de la République dans une feuille de route qui confère au CNRS « une responsabilité particulière, à côté d’autres organismes, dans la conception, la construction et la gestion des très grandes infrastructures de recherche » tout en lui reconnaissant le statut de « principal organisme de recherche en France ». Celle-ci entérine notamment l’objectif de réorganiser le CNRS en grands instituts, « sur le modèle de l'INSU et de l'IN2P3 ».
Le 1er juillet 2008, le Conseil d’Administration du CNRS adopte son « Plan Stratégique 2020 » après de longues négociations avec sa tutelle et les organisations syndicales et associatives des personnels de la recherche. Ce plan prévoit notamment, la transformation des actuels départements en instituts qui ont « tous vocation à assumer des missions nationales ». La définition et la stratégie de ces missions seront négociées avec les autres EPST ou établissements œuvrant dans les mêmes champs comme l’INSERM pour les Sciences du Vivant, ou l’INRIA pour certains champs de recherche en informatique. Le « Contrat d'objectifs » à 4 ans qui doit être signé avec le Ministère de tutelle avant la fin de l'année 2011, précisera l’ensemble de ces missions nationales et les contours précis des différents instituts.
Placé sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est un organisme public de recherche dont la mission est de produire du savoir et de mettre ce savoir au service de la société. La création du CNRS consacre ainsi une tradition française séculaire de « science service public ». Pour ce faire, il s’investit lui-même dans la production du savoir au travers de ses dix instituts et finance les projets de recherche et les chercheurs.
Selon l’institut Scimago, le CNRS est la première institution scientifique au monde. L’institut, un groupe de recherche qui réalise des cartographies des activités de recherches, prend en compte dans son classement la production scientifique, le nombre de citations, la collaboration internationale. Le CNRS arrive d’ailleurs au deuxième rang des contributeurs de la revue Nature en 2010. Autre classement : selon, le site Webometrics qui mesure la visibilité sur le Web des instituts de recherche, le CNRS figure au quatrième rang mondial et au premier rang européen.
« Coordonner l’activité des laboratoires en vue de tirer un rendement plus élevé de la recherche scientifique », c’est ainsi que le décret loi du 19 octobre 1939 entérinait la création du Centre National de la recherche scientifique. Vocation nationale et pluridisciplinarité sont alors affirmés et le CNRS marque sa volonté de couvrir tout les champs de la recherche qu’elle soit fondamentale ou appliquée.
Six semaines après le début de la seconde guerre mondiale, un CNRS bicéphale naît dans la plus grande discrétion. Cette création voulue par Jean Zay alors ministre de l’Education nationale et des Beaux Arts et appuyée par ses sous-secrétaires d’Etat à la recherche, Irène Joliot-Curie puis Jean Perrin, est paradoxalement favorisée et pérennisée par la seconde guerre mondiale. Tous avaient encore en mémoire, l’hécatombe de la guerre de 14-18 qui avait fait disparaitre plusieurs générations de chercheurs car tous ceux que comptait alors l’Hexagone avaient été mobilisés.
Pour palier une nouvelle disparition du corpus scientifique, les autorités décident alors d’affecter des chercheurs au seul centre. La guerre orienta bien évidemment l’éthique première du CNRS puisque dès sa création, les recherches furent menées pour les besoins de l’armée française, à tel point qu’on les taxa de « science conquérante ». Mais le Centre se dépouilla bien vite de ces oripeaux belliqueux pour entrer dans l’ère de la recherche appliquée et l’arrivée du Général de Gaulle au pouvoir en 1958, marque l’ouverture d’une période qualifiée d’ « âge d’or de la recherche scientifique ». Le budget du CNRS double d’ailleurs entre 1959 et 1962.
Classé comme établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), le CNRS est placé sous la tutelle administrative du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Sa mission est « d'animer le développement de la recherche scientifique et de coordonner les travaux qui s’y rapportent ». L’organisme déploie ainsi la palette de ses trois rôles fondamentaux dans la recherche. Le premier est le financement du fonctionnement de la recherche. Il finance 1170 laboratoires de recherche, dont 98 unités propres et 1072 unités mixtes de recherche (UMR), partagées avec un établissement d’enseignement supérieur, un autre organisme de recherche, une fondation ou une entreprise.
Ces unités de recherche sont évaluées tous les quatre ans par le Comité national du CNRS ; évaluation qui conditionne son apport financier et peut mener à la réorganisation ou à la rupture du contrat d’association avec l’unité. Ensuite, l’institution rémunère les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens, qui travaillent dans les unités de recherche du CNRS ou dans les unités associées. Enfin, le centre sélectionne et finance les projets de recherche spécifique.
Cependant, depuis le discours de Nicolas Sarkozy du 28 janvier 2008 à Orsay, un anathème pèse sur l’organisme et son avenir souffre d’une controverse. D’après le Président de la République, le CNRS et les autres EPST doivent, à terme, devenir des agences de moyens et cesser de mener directement des activités de recherche. Or, aujourd’hui, le CNRS est à la fois un opérateur de recherche et une agence de moyens. Certains prétendent pourtant qu’il a d'ores et déjà perdu son rôle d’évaluateur national, au bénéfice de l’Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur (AERES) créée par décret le 3 novembre 2006. Rôle sans lequel celui d’agence de moyens devient symbolique. Des observateurs prédisent déjà que dans un futur assez proche, des organismes comme l’AERES seront transférés à l'Union européenne, mettant définitivement fin à toute apparence d'indépendance de la recherche française.
Le découpage du CNRS
Les instituts du CNRS
Sa mission étant la pluridisciplinarité, le CNRS mène des recherches dans l’ensemble des domaines scientifiques, technologiques et sociétaux grâce à ses dix instituts dont trois sont nationaux. Chaque institut gère la politique scientifique de son domaine.
Institut de Chimie (INC) - Directeur : Régis Réau
Les thématiques scientifiques de l’institut couvrent à la fois la chimie du vivant pour l’exploration et le développement de nouveaux modèles et outils pour la pharmacologie, les biotechnologies, la médecine, la cosmétologie, l’agro-alimentaire et le phytosanitaire. Mais ses recherches s’étendent aussi à la chimie verte, le développement durable et le développement de la nanochimie.
Issu de la nouvelle organisation du CNRS officialisée par décret paru le 1er novembre 2009, l'institut écologie et environnement (INEE) a pour mission d’étudier la biodiversité, les relations hommes-milieux, et les conséquences des actions de l’homme sur l’environnement... L’institut s’attache ainsi à l’étude de l’écologie, des écosciences, de la biodiversité, l’impact des changements globaux, santé - environnement, ressources, chimie écologique et environnementale, etc.
L’INP a deux motivations principales : le désir de comprendre le monde et la volonté de répondre aux enjeux actuels de notre société. Dans cette optique, les laboratoires de l'INP sont regroupés autour de deux grands domaines : lois fondamentales, optique et lasers et la physique de la matière condensée et nanosciences.
Institut national de physique nucléaire et physique des particules (IN2P3) - Directeur : Jacques Martino
Créé en 1971, l’Institut mène des recherches dans les domaines de la physique nucléaire, la physique des particules et les astroparticules. En partenariat avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), ces recherches visent à explorer la physique des particules élémentaires, leurs interactions fondamentales ainsi que leurs assemblages en noyaux atomiques, et d’explorer les connexions entre l’infiniment petit et l’infiniment grand.
Institut des sciences biologiques (INSB) - Directeur : Patrick Netter
Cet institut est l’illustration de l’une des ambitions du CNRS : la transversalité des sciences. En effet, les nouvelles démarches scientifiques comme l’irruption des nouveaux outils à haut débit et, plus globalement, la haute sophistication des techniques expérimentales en sciences du Vivant sont le plus souvent développées par des disciplines autres que la biologie (physique, chimie, micro- et nanotechnologies, informatique). Les axes de recherche de l’INSB sont ainsi très diversifiés : biologie structurale, bioinformatique, pharmacologie, neurosciences, sciences cognitives, immunologie, génétique, biologie cellulaire, microbiologie, physiologie, biologie végétale, biologie des systèmes, biodiversité ...
Institut des sciences humaines et sociales (INSHS) - Directeur : Patrice Bourdelais
Sa mission est de développer les recherches sur l’homme, aussi bien comme producteur de langages ou de savoirs que comme acteur économique, social ou politique. Ses recherches embrassent ainsi les cultures et sociétés dans l'histoire, les hommes, les sociétés et leur environnement, le comportement, la cognition et la communication et les mondes contemporains.
Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI) - Directeur : Guy Métivier
L’INSMI anime le réseau des laboratoires de mathématiques avec pour objectif de conforter le rayonnement mondial des mathématiques françaises (au 2ème rang derrière les USA). La recherche mathématique française étant majoritairement universitaire, le rôle de l’INSMI est de structurer et conduire une politique nationale pour la recherche mathématique.
Institut des sciences informatiques et de leurs interactions (INS2I) - Directeur : Philippe Baptiste
L’institut a une double casquette d’opérateur de recherche et d’agence de moyens. Il organise et développe les recherches dans les domaines des sciences informatiques et du numérique. L’INS2I repose sur cinquante unités relevant de l’informatique, du traitement du signal et des images, automatique et robotique. Ces unités se sont construites en partenariat étroit avec des universités et des grandes écoles autonomes.
Institut national des sciences de l’univers (INSU) - Directeur : Jean-François Stéphan
L’institut élabore, développe et coordonne les recherches d’ampleur nationale et internationale en astronomie, sciences de la Terre, de l’océan, de l’atmosphère et de l’espace. De ce fait, ses thématiques scientifiques sont très larges et concernent aussi bien l’océanographie, la géologie, la géophysique, la climatologie, l’hydrologie, que l’astronomie, ou l’astrophysique…
Institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes (INSIS) - Directeur : Pierre Guillon
Sa double mission d’opérateur et d’agence de moyens, permet à l’INSIS d’assurer le continuum Recherche fondamentale - Ingénierie – Technologie. Ses thématiques phares sont : les sciences et technologies des automatismes, des signaux et des systèmes électroniques et photoniques et les sciences et technologies de la mécanique, de l’énergie et des procédés.
Le Comité national de la recherche scientifique
Au sein du CNRS, c’est lui qui est chargé de l’évaluation de la recherche scientifique des unités de recherche financées par le CNRS et de chaque chercheur rémunéré par l’organisme. Il regroupe le Conseil scientifique du CNRS, les Conseils scientifiques d'institut, les Sections et les Commissions interdisciplinaires. Chacune des 40 sections de ce comité est composée de 21 membres spécialistes du domaine scientifique concerné et sont issus d’horizons différents : chercheurs du CNRS ou d’autres EPST mais aussi du secteur privé, et des chercheurs étrangers.
Un tiers d’entre eux est nommé par le ministère de la Recherche, deux tiers sont élus par l’ensemble des personnels de recherche du domaine afin de permettre un contrôle des orientations scientifiques et de garantir l’indépendance de la recherche. Les 40 sections analysent la conjoncture et ses perspectives et se constituent en jurys d’admissibilité pour le recrutement des chercheurs. Elles analysent la conjoncture scientifique et ses perspectives d’évolution au CNRS, en France et à l’étranger. Elles mettent en particulier en évidence au niveau international les nouveaux thèmes qui émergent dans leur domaine, les principales découvertes, les perspectives et les enjeux actuels, et dégagent les forces et les faiblesses de la recherche française. A noter qu’il n’existe pas de code déontologique et méthodologique de l’évaluation professionnelle au CNRS mais chacune des sections publie lors de son renouvellement, les critères qui seront employés pour mener l’évaluation des chercheurs et des laboratoires.
Les sections
L'ensemble du champ des connaissances est divisé en disciplines ou groupes de disciplines qui correspondent aux sections du Comité national de la recherche scientifique. Ce découpage est régulièrement adapté à l’évolution de la science et des champs disciplinaires par un remaniement du nombre de sections, et de leurs intitulés. Les sections sont au nombre de 40 depuis 1991.
1. Mathématiques et interactions des mathématiques
2. Théories physiques : méthodes, modèles et applications
3. Interactions, particules, noyaux du laboratoire au cosmos
4. Atomes et molécules, optiques et lasers, plasmas chauds
5. Matière condensée : organisation et dynamique
6. Matière condensée : structures et propriétés électroniques
7. Sciences et technologies de l'information (informatique, automatique, signal et communication)
8. Micro et nano-technologies, électronique, photonique, électromagnétisme, énergie électrique
9. Ingénierie des matériaux et des structures, mécaniques de solides, acoustique
10. Milieux fluides et réactifs : transports, transferts, procédés de transformation
11. Systèmes supra et macromoléculaires : propriétés, fonctions, ingénierie
12. Architectures moléculaires : synthèses, mécanismes et propriétés
13. Physicochimie : molécules, milieux
14. Chimie de coordination, interfaces et procédés
15. Chimie des matériaux, nanomatériaux et procédés
16. Chimie du vivant et pour le vivant : conception et propriétés de molécules d'intérêt biologique
17. Système solaire et univers lointain
18. Terre et planètes telluriques : structure, histoire, modèles
19. Système Terre : enveloppes superficielles
20. Surface continentale et interfaces
21. Bases moléculaires et structurales des fonctions du vivant
22. Organisation, expression et évolution des génomes
23. Biologie cellulaire : organisation et fonctions de la cellule ; pathogènes et relations hôte/pathogène
24. Interactions cellulaires
25. Physiologie moléculaire et intégrative
26. Développement, évolution, reproduction, vieillissement
27. Comportement, cognition, cerveau
28. Biologie végétale intégrative
29. Biodiversité, évolution et adaptations biologiques : des macromolécules aux communautés
30. Thérapeutique, médicaments et bio-ingénierie : concepts et moyens
31. Hommes et milieux : évolution, interactions
32. Mondes anciens et médiévaux
33. Mondes modernes et contemporains
34. Langues, langage, discours
35. Philosophie, histoire de la pensée, sciences des textes, théorie et histoire des littératures et des arts
36. Sociologie, normes et règles
37. Economie et gestion
38. Sociétés et cultures : approches comparatives
39. Espaces, territoires et sociétés
40. Politique, pouvoir, organisation
Les délégations régionales
Les 19 délégations régionales du CNRS assurent des missions de représentation au sein des instances locales impliquées dans la recherche et l’enseignement supérieur, de gestion de proximité des laboratoires et des personnels et d'accompagnement des projets scientifiques locaux.
Les laboratoires du CNRS
Le CNRS possède 98 laboratoires de recherche appelés unités propres de recherche (UPR) ou unités de service et de recherche (USR) mais il participe aussi au financement de 1223 laboratoires de recherche auxquels il fournit des personnels. 90% de ces laboratoires sont associés à des établissements d’enseignement supérieur. Les formes de ces contrats d’associations donnent le nom à ces laboratoire comme la célèbre UMR ou Unité mixte de recherche entre le CNRS et une université ou encore l’unité de recherche associée (URA). En plus de ces laboratoires, des unités de services communs regroupent des moyens de soutien à la recherche comme les services administratifs communs, les centres de calcul ou les bibliothèques. Ainsi, l’Institut de l’information scientifique et technique est spécialisé dans la conservation et la diffusion de publications scientifiques.
Les distinctions
Plusieurs prix Nobel français ont été employés par le CNRS, mais la plupart ont travaillé dans des laboratoires universitaires associés. Ainsi, le CNRS associe son nom à cinq prix Nobel de physique, un prix Nobel de médecine remporté en 2008 par le professeur Luc Montagnier après des années de controverse sur la paternité de la découverte du virus du Sida, et un prix Nobel de chimie. Coté mathématiques, la prestigieuse médaille Fields a récompensé pas moins de huit mathématiciens du CNRS ou associés. Concernant toujours les mathématiques, le prix Abel a récompensé un chercheur du CNRS en 2003. Le CNRS décerne aussi depuis 1954, ses propres médailles tous les ans qui se déclinent comme aux jeux Olympiques en médaille d’or, d’argent et de bronze et depuis 1992, l’organisme décerne aussi le Cristal du CNRS pour récompenser les techniciens, ingénieurs et personnels administratifs.
L’organisme est financé en majorité par des subventions d’Etat et pour 2011, le budget primitif s’élève à 3,204 milliards d'euros dont 677 millions d’euros de ressources propres
Ainsi, le budget pour 2010 s’élevait à 3 116,301 M€ et se déclinait comme suit :
Subventions pour charge de service publique + post doc : 2510,373 M€ 80% du budget
Autres subventions et produits : : 59,150 M€ 2% du budget
Produits valorisés de l’activité de recherche et prestations de services : 68,306M€ 2% du budget
Contrats et soutiens finalisés à l’activité de recherche : 478,471 M€ 15% du budget
Entre 2001 et 2010, le budget du CNRS n’a cessé d’évoluer avec une dotation de 2400 milliards d’€ en 2001, puis une plongée à 2200 milliards d’€ en 2002 avant une progression constante jusqu’en 2010 avec 3 116,301 milliards d’€.
Les dépenses du CNRS par nature de crédit (hors charges calculées)
Dépenses de personnel limitatives : 2020,880 M€ 65%
Dotations globales : 909,149 29%
Opérations d’investissements programmées : 32,615 M€ 1%
Autres dépenses de personnel sur ressources propres 153,656 5%
Le budget 2010 par activités de recherche conduites par les Unités de Recherche soit une ventilation de 2 618,726 milliards d’€ (Subvention d'Etat et Ressources propres) :
- Mathématiques : 36,23 millions d’€
- Sciences et technologies de l'information et de la communication : 134,99 millions d’€
- Physique : 105,81 millions d’€
- Chimie : 195,68 millions d’€
- Sciences pour l'ingénieur : 91,14 millions d’€
- Physique nucléaire et des hautes énergies : 128,91 millions d’€
- Sciences de la planète et de l'univers : 152,80 millions d’€
- Sciences de l'environnement : 316,32 millions d’€
- Sciences de l'homme et de la société : 263,47 millions d’€
- Interdisciplinaires : 598,44 millions d’€
- Opérations scientifiques réalisées hors CNRS : 113,77 millions d’€
- Dotations à répartir : 124,57 millions d’€
- Biologie cellulaire et moléculaire : 141,08 millions d’€
- Biologie intégrative et neurosciences : 144,18 millions d’€
- Génétique : 71,33 millions d’€
Le CNRS a toujours été la cible des critiques et polémiques de tous bords et nombreux ont été les gouvernements à vouloir réformer l’institution.
La première réforme d’importance date de 1982 : la loi Chevènement fonctionnarisa le personnel du CNRS. Ses partisans estimèrent qu’elle permettait aux chercheurs de pouvoir bénéficier d’une stabilité propice aux recherches fondamentales qui n’est plus dépendante de la grande industrie et des financements privés. Les adversaires montèrent au créneau en brandissant les ratés de la machine administrative qui ne peut, selon eux, encourager les bons chercheurs. Allégation discutable quand on songe qu’un seul Nobel a été récompensé avant la réforme, les autres l’ont été après ! Pourtant, la polémique a la vie dure et vingt ans plus tard, l’ouvrage d’Olivier Postel Vinay, alors directeur de la rédaction du magazine La Recherche, abonde dans ce sens dans son ouvrage « Le grand gâchis - splendeur et misère de la science française ». Il explique que le CNRS emploie onze mille chercheurs environ, mais ne parvient à en licencier qu'un ou deux chaque année. Licenciements souvent annulés d’ailleurs par le tribunal administratif.
Claude Allègre alors ministre de la Recherche en 1998, s’attela lui aussi, à une réforme du CNRS « à la hussarde ». Ce nouveau médaillé d’or de l’organisme – il est récompensé en 1994 – est pourtant légitime. Las ! La manière forte ne passe pas dans les laboratoires des chercheurs qui goutent jalousement leur indépendance. En 1998, il demande une réorganisation du découpage en sections disciplinaires du Comité national mais il se heurte à un refus catégorique, en particulier de Catherine Bréchignac, qui dirige alors l’organisme. L’été, lors d’un comité interministériel sur la recherche, Claude Allègre obtient un feu vert pour une réforme de grande ampleur. A la rentrée, il fait proposer par le président du CNRS, Edouard Brézin, une réforme des statuts de l'organisme. Elle met le feu aux poudres et provoque une levée de bouclier de la part des chercheurs.
Présentée comme une «modernisation», un «rapprochement avec l'université», elle est interprétée comme la volonté de faire passer le CNRS sous la coupe de l’université, de le transformer en distributeur d’argent pour des labos qu'il ne piloterait plus vraiment. Les chercheurs sont au bord de la crise de nerf. Ils sont furieux de ne pas avoir été consultés par le ministre et d’avoir subi son «autoritarisme», ses « méthodes à la hussarde », et lui reprochent « un terrible manque de souffle ». « Où sont les grands objectifs scientifiques? Quand a-t-il tenté de mobiliser les chercheurs sur les enjeux de société?», s’insurge l’astrophysicien Richard Gispert de Institut d'Astrophysique de Paris à Orsay.
La recherche française descend dans la rue et mène à la fronde de l’ensemble de la recherche publique contre le gouvernement accusé d’avoir procédé à d’importantes coupes dans les crédits de la recherche. Ces réformes masquaient surtout une volonté du politique de contrôler la stratégie scientifique d’un organisme jugé trop indépendant.
Mais en France, la recherche est considéré comme un bien publique et collectif et les gouvernants ne se découragent pas à œuvrer dans le sens des réformes. Ainsi le 7 mars 2006, la loi sur la recherche est débattue au parlement. A nouveau, elle ne répond pas aux attentes des chercheurs du CNRS et aux autres organismes de recherche publique, en particulier les chercheurs du collectif « Sauvons la recherche ».
Dans la foulée, la création de l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur (AERES) pour l’évaluation de la recherche et de l’Agence Nationale de la recherche (ANR) pour le financement modifie le paysage de la recherche française et son organisation. Les chercheurs du CNRS accusent les autorités de vouloir faire du CNRS une simple agence de moyens en lui enlevant son rôle d’évaluation. D’ailleurs le prix Nobel de physique Albert Fert souligne la redondance de ces nouvelles structures avec celles du CNRS.
Et les polémiques vont bon train. En 2007, l’idée de l’agence de moyen continue à faire des émules. Il est alors question de transformer le CNRS en financeur de projets scientifiques et non plus de structures et de réaffecter ses 20 000 employés dans les universités. Mais la politique définie par Nicolas Sarkozy dans son discours du 28 janvier 2008 reste en place. D'après ce discours, le CNRS et les autres établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) doivent à terme, devenir des agences de moyens et cesser de mener directement des activités de recherche.
Le conseil d'administration du CNRS du 27 mars 2008 a confirmé la stratégie de découpage du centre en un ensemble d’instituts qui pourront, discrètement, transférer aux universités personnels et programmes de recherche. Pour Catherine Bréchignac alors présidente du CNRS, l’organisme est à la fois un opérateur de recherche et une agence de moyens. Pourtant, bon nombre d’acteurs et d’observateurs se demandent si l’organisme n’a pas d'ores et déjà perdu son rôle d'évaluateur national, au bénéfice de l'AERES ; rôle sans lequel celui d'agence de moyens devient symbolique.
Horizon 2020 - Plan stratégique du CNRS
Le CNRS ne baisse pas les bras. En 2006, il lance le plan « CNRS - Horizon 2020 ». Mais il est reporté par le ministère chargé de la Recherche, après avoir été validé en juin 2007 par le conseil scientifique du CNRS. Il est ensuite modifié par la Direction générale de la recherche et de l’innovation. Fin février 2008, la ministre de la Recherche Valérie Pécresse traduit les orientations demandées par le Président de la République dans une feuille de route qui confère au CNRS « une responsabilité particulière, à côté d’autres organismes, dans la conception, la construction et la gestion des très grandes infrastructures de recherche » tout en lui reconnaissant le statut de « principal organisme de recherche en France ». Celle-ci entérine notamment l’objectif de réorganiser le CNRS en grands instituts, « sur le modèle de l'INSU et de l'IN2P3 ».
Le 1er juillet 2008, le Conseil d’Administration du CNRS adopte son « Plan Stratégique 2020 » après de longues négociations avec sa tutelle et les organisations syndicales et associatives des personnels de la recherche. Ce plan prévoit notamment, la transformation des actuels départements en instituts qui ont « tous vocation à assumer des missions nationales ». La définition et la stratégie de ces missions seront négociées avec les autres EPST ou établissements œuvrant dans les mêmes champs comme l’INSERM pour les Sciences du Vivant, ou l’INRIA pour certains champs de recherche en informatique. Le « Contrat d'objectifs » à 4 ans qui doit être signé avec le Ministère de tutelle avant la fin de l'année 2011, précisera l’ensemble de ces missions nationales et les contours précis des différents instituts.