Pas une élection européenne sans que la question ne soit posée par les hommes politiques. La Commission européenne impose-t-elle réellement ses lois au Parlement français ? Autrement dit, avons-nous, comme l’affirment les eurosceptiques et le Front national en tête totalement abandonné notre souveraineté nationale au profit de l’Europe. Oui, répond le leader frontiste, Jean-Marie Le Pen, dans une récente interview donnée au journal Le Figaro. Selon lui, « 80% de nos lois ne sont pas votées à Paris, à l’Assemblée nationale, mais viennent de Bruxelles ». Pour Nicole Fontaine, députée au Parlement européen et ancienne président du Parlement (1999 à 2002), la proportion est plutôt « entre 70 et 80% ce qui provoque l’amertume des parlementaires nationaux ».
Le mythe Delors et les 80%
Président de la Commission européenne de 1985 à 1995, Jacques Delors a été le premier en 1987 à estimer qu’un jour, dans un pays comme la Belgique, « 60% des lois seront d’origine communautaire ». Une année plus tard, le même Jacques Delors va encore plus loin en estimant que dans les dix prochaines années « 70 à 80% de la législation adoptée le sera sous l’influence européenne ».
Directeur de l’Institut “Notre Europe”, un think tank crée par Jacques Delors, Yves Bertoncini se demande « qui peut aujourd’hui citer ces 80% de lois nationales présumées d’origine communautaire, alors même qu’en France, il semble à première vue difficile d’en désigner ne serait-ce qu’une dizaine parmi la centaine de lois adoptées chaque années au cours des législatives récentes ». Il précise d’ailleurs que sur les quelque « 26 777 lois, ordonnances et décrets » en vigueur en France au 1er juillet 2008, environ 37% (soit environ un tiers) d’entre elles sont « des normes communautaires ». Toutefois, il est impossible d’affirmer avec exactitude la proportion des lois votées au niveau national qui sont d’origine communautaire et la plupart des études réalisées notent que seuls 20% de ces lois sont influencées par Bruxelles.
Une bataille de pourcentages
A la question de savoir si ce pourcentage est plutôt de l’ordre de 37%, de 70 ou de 80%, le Commissaire européen français au Marché intérieur et aux Services, Michel Barnier affirme que le chiffre est plutôt de l’ordre de 60%. Pour Viviane Reding, son homologue luxembourgeoise, ce chiffre tourne plutôt autour de 80%. Environ « 80% des lois adoptées par les Etats membres ne sont pas des lois nationales », estime-t-elle. Le Président du Parlement européen, Martin Schulz, a lui-même, lors d’un déplacement en France, confirmé ce chiffre. Quelque « 70 % de la législation nationale provient aujourd’hui d’une législation européenne ».
Dans cette bataille de pourcentages, il faut distinguer les lois nationales françaises et anciennes qui sont d’origines communautaires et dont leur nombre s’élève à environ un tiers des lois (soit 37%) et environ 70 à 80% de lois qui représentent la législation nouvelle et dont les textes adoptés sont sous influence européenne.
Toutefois, toutes les lois appliquées en France ne sont pas des directives européennes. Ces dernières ne concernent qu’un certain nombre de secteurs. Ainsi, les lois relatives à l’Agriculture représente en moyenne 42% des règles européennes appliquées en France et peuvent dépasser parfois les 50% contre quasiment aucune pour le secteur de la Culture. L’économie, la pêche et le marché intérieur sont des secteurs particulièrement influencés par Bruxelles et leur impact sur la loi nationale dépasser les 70-80% pour l’environnement. En revanche, les questions relatives à la santé, à la défense, à la justice ou encore à l’éducation sont souvent laissées à la libre législation des Etats membres. Contrairement à ce qu’affirment les europhiles et les eurosceptiques, la France conserve sa souveraineté nationale.
Vanessa Gondouin-Haustein