En décidant vendredi, un détour par Moscou après sa visite officielle au Kazakhstan, François Hollande parie sur le dialogue avec Vladimir Poutine pour calmer la tension qui s’est installée entre la Russie et les pays occidentaux à cause de la crise ukrainienne. François Hollande avait justifié sa décision de rencontrer le président russe en expliquant : « Nous devons éviter qu'il y ait d'autres murs qui viennent (nous) séparer ». Il faisait ainsi directement référence au mur de Berlin, symbole de deux décennies de guerre froide. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les relations entre russes et occidentaux n’ont jamais été aussi tendues dans un conflit qui a déjà fait 4 300 morts en huit mois.
Après une conversation privée de deux heures dans un salon d'un aéroport moscovite, les deux présidents ont mis entre parenthèses les déclarations belliqueuses pour montrer des signes d’apaisement et le président russe a ainsi pu déclarer que « La Russie et la France sont pour une fin immédiate du bain de sang » dans l'est séparatiste de l'Ukraine. Il a ensuite évoqué un « échange très constructif », au terme de deux heures de discussion avec le président français. Vladimir Poutine est notamment accusé par les occidentaux de soutenir militairement les rebelles prorusses et de favoriser ainsi l’escalade dans la violence. Accusation qu’il rejette tout en bloc. Il a ainsi exprimé son espoir d’ « une amélioration dans un avenir proche ». Ce à quoi le président français a réclamé « non pas simplement des avancées, mais des résultats (...) dans les prochains jours ». Il a ensuite précisé : « Aujourd'hui, je voulais avec le président Poutine envoyer un message qui est celui de la désescalade, et aujourd'hui elle est possible ».
Nouvelles négociations de paix mardi
Un entretien qui intervient juste avant des négociations de paix entre la Russie et l’Ukraine qui devraient avoir lieu mardi à Minsk. C’est le président ukrainien Petro Porochenko en visite dans la région de Kharkiv dans l’est de l’Ukraine qui avait annoncé cet « accord de principe ». Pourtant, les deux pays n’en sont pas à leur coup d’essai puisque la précédente réunion dans la capitale biélorusse avait abouti le 5 septembre aux « accords de Minsk ». Cette trêve qui prévoyaient un cessez le feu avaient été très peu respectée jusqu’à devenir inefficiente. Et sans doute que cet entretien entre les deux présidents a marqué une avancée puisque Vladimir Poutine a concédé que les rebelles prorusses avaient aussi leur part de responsabilité alors que d’habitude, Moscou rejette la responsabilité des violations de cessez-le-feu sur les autorités de Kiev. Il a ainsi concédé : « Nous constatons que les deux côtés, les autorités de Kiev et aussi de Donetsk et Lougansk ne respectent pas totalement » les accords de Minsk.
Mardi, en parallèle des négociations à Minsk, un cessez-le-feu doit aussi être entériné par les séparatistes et Kiev, qui ont annoncé jeudi à la surprise générale un accord sur l'arrêt total des tirs dans l'Est. Une annonce qui doit toutefois être prise avec prudence car elle n’est pas la première. Elle coïncide en plus avec un regain d’intensité des combats qui ont fait pendant le week-end six morts et 20 blessés parmi les soldats ukrainiens selon les autorités militaires ukrainiennes. Le président ukrainien a indiqué samedi qu’au total, 1 252 soldats ukrainiens ont été tués et presque 3 000 ont été blessés.
Une crise peut en cacher d’autres
D’ailleurs, juste avant de se rendre à Moscou, le président français s’était entretenu avec le président ukrainien mais aussi avec la chancelière allemande Angela Merkel qui estimait dans une interview dans le quotidien allemand Die Welt que la politique menée par Moscou entraîne des difficultés pour plusieurs pays dans le voisinage de l'Union européenne. « Avec la Moldavie, la Géorgie et l'Ukraine, nous avons trois pays de notre voisinage oriental qui ont signé de manière souveraine un accord d'association avec l'Union européenne. La Russie cause des difficultés à ces trois pays », précise-t-elle dans son entretien.
Enfin, cette crise diplomatique est double pour la France en raison du refus du président Hollande de livrer les navires de guerre Mistral à la Russie tant que la situation ukrainienne n’évoluera pas. Pourtant, le sujet n’a pas été abordé officiellement lors de l’entretien samedi entre les deux président mais Vladimir Poutine a précisé tout de même : « Il y a un contrat, nous partons du principe qu'il sera respecté, sinon nous espérons qu'on nous rendra l'argent que nous avons payé ».
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
Accords de Minsk (Le Monde)