Dans l’État de Rakhine (ex-Arakan) au Myanmar, des violences intercommunautaires ont débuté en juin et auraient été suivies d’exactions commises sur les Rohingyas par les forces de sécurités, qui n’auraient rien fait pour protéger ni ces derniers, ni les Arakanais bouddhistes, selon Human Rights Watch (HRW). Plusieurs dizaines de milliers de Rohingyas - minorité musulmane (800.0000) opprimée et privée de tout droit jusqu’à la citoyenneté – ont tenté de fuir au Bangladesh, qui compte déjà plusieurs camps de réfugiés de cette ethnie, l’une des plus persécutées au monde selon l’ONU. Mais, en violation du droit international, les autorités bangladaises leur ont fermé leur frontière, renvoyant les embarcations à la mer, puis, le 2 août, ont interdit aux ONG présentes, Médecins sans frontières, Action contre la faim et Muslim Aid UK, de prodiguer leur aide aux réfugiés.
Alors que l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) exhorte le Bangladesh à rouvrir l’accès à ces ONG, la France, qui « regrette » cette interdiction, appelle Dacca à « ne pas refouler à la frontière bangladaise les personnes dont la vie est menacée (…) » et Naypyidaw à « protéger toutes les populations civiles, sans discrimination (…) ». Le « règlement pacifique (…) des questions ethniques » et « la réconciliation » qui semblent « souhaitables » à la France constitueront des tests de crédibilité pour le gouvernement myanmarais engagé dans un processus de réforme politique et dont l’image a été écornée dans le rapport de HRW du 1er août sur son rôle dans ces évènements.
Cependant après les déclarations du président Thein Sein du 12 juillet, présentant l’expulsion des Rohingyas vers d’autres pays ou dans des camps du HCR comme la « seule solution », cette « réconciliation » semble loin d’être acquise, d’autant que même Aung San Suu Kyi hésite à les soutenir, pour ne pas s’aliéner son électorat, et que la communauté internationale reste bien silencieuse.
À Paris, deux rassemblements ont eu lieu, le 3 août au Trocadéro, puis le 10 août devant l’Ambassade du Myanmar à l’initiative de l’association Actions Terres du Monde. L’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) a proposé, le 8 août, d’apporter une aide humanitaire. Mais pour ces apatrides dans leur propre pays (depuis une loi de 1982) qui ont connu plusieurs vagues d’exode (notamment en 1978 et en 1991-1992) le pire serait-il encore à venir ?
Anne Laure Chanteloup