C’était le 29 mai 2005. Les Français et les Néerlandais se prononçaient, par référendum, à près de 55 % contre le Traité Constitutionnel Européen (TCE). Ce texte, officiellement signé à Rome le 29 octobre 2004, devait être ratifié par chacun des États signataires pour entrer en vigueur. Le 13 décembre 2007, le traité de Lisbonne est adopté, cette fois sans consultation des citoyens. Le gouvernement préfère opter pour la voie parlementaire. Nous avons demandé à Frédéric Allemand ce qu’est devenu la Constitution européenne.
AllGov France : Existe t-il à ce jour une Constitution européenne ?
Frédéric Allemand : Formellement, il n’existe pas aujourd’hui de Constitution européenne. Sur le fond, le Traité de Lisbonne est tout de même un texte fondamental en ce qu’il contient des normes qui fixent les grandes valeurs communes aux Européens (protection des droits de l’homme, objectifs d’une croissance équilibrée, règles de non-discrimination etc.) Ces règles, qui donnent des bases communes, sont très proches des textes constitutionnels internationaux. Elles en ont le même esprit, la même dynamique.
Sur le plan formel, on est loin de ce que l’on pourrait appeler une Constitution européenne. L’architecture européenne continue de reposer sur les traités adoptés successivement par les Etats membres de l’Union. (Rome en 1957, Acte unique en 1986, Maastricht en 1992, Amsterdam en 1997, Nice en 2001, Lisbonne en 2007) et non sur un texte unique comme une Constitution.
On a quand même, avec le Traité de Lisbonne, les prémisses d’un pouvoir constituant européen à travers le recours à une convention européenne. C’est l’une des clauses du traité de 2007, mais il n’y a toujours pas de ratification.
AllGov France : En quoi le traité de Lisbonne, ratifié le 13 décembre 2007, est-il différent du traité de 2005 ?
Frédéric Allemand : Ce qui est certain, c’est que le traité de Lisbonne reprend, sur le fond, les clauses de la Constitution de 2005, et notamment un point crucial : l’amélioration des institutions communautaires pour assurer l’élargissement de l’Europe. Les points essentiels ont donc été gardés.
Sur la forme en revanche, le Traité de Lisbonne n’est pas similaire à la Constitution. En effet, il modifie les traités antérieurs tandis que la Constitution était un texte nouveau et unique.
AllGov France : Doit-on en tirer un constat d’échec ?
Frédéric Allemand : Non car, pour autant, les objectifs sont poursuivis. Celui d’assurer le bon fonctionnement des institutions dans un cadre élargi d’une part et de l’autre, celui qui vise à rapprocher l’Union Européenne de ses citoyens.
Sur le premier point : l’objectif est en cours de mise en œuvre. Tous les outils sont là pour le bon fonctionnement des institutions.
Sur le second point, (rapprocher l’Union Européenne de ses citoyens), le bilan est plus mitigé.
Lors du référendum de 2005 a eu lieu un vaste débat sur la question européenne. Cette passion bénéfique (le débat citoyen sur l'avenir des institutions et le projet européen) est retombée avec le traité de Lisbonne. Aujourd’hui on a le sentiment que l’UE se développe et que les citoyens vivent leur vie de leur côté. L’Europe a besoin de faire des choix pour l’avenir.
AllGov France : Le traité de Lisbonne...Et après ?
Frédéric Allemand : Aujourd'hui avec la crise, un débat profond s'est engagé sur ce que peut faire l'UE dans un monde globalisé : c’est le point central. Pendant la crise, l'UE désarmée n'arrivait pas à apporter des réponses convaincantes ni aux investisseurs, ni aux citoyens (qui subissent la dette).
La question centrale est désormais de savoir comment amener les Etats à engager des réformes structurelles pour l'avenir et comment financer cela?
Avec la crise, les choses avancent très doucement. Le président du Conseil européen a été missionné pour réfléchir à l'approfondissement de la gouvernance européenne. On est donc vraiment sur une ligne de crête : selon les choix opérés pour l'avenir, on modifiera le statut de l'Union Européenne mais également le statut des Etats au sein de l'UE.
Propos recueillis par Susie Bourquin