Quatrième réserve mondiale en gaz de schiste, l'Algérie compte bien investir massivement dans cet hydrocarbure alors que ses revenus pétroliers sont à la baisse. Mais le Gouvernement se heurte à l'hostilité des populations vivant à proximité des gisements. Un collectif anti-gaz de schiste a d'ailleurs vu le jour, il y a peu un peu plus de deux mois, en soutien aux populations locales du Sahara et pour faire part de ses inquiétudes quant aux conséquences des forages sur l'environnement. Le mouvement a depuis pris de l'ampleur et plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans plusieurs villes d'Algérie, mardi 24 février, alors que toute forme de manifestations en Algérie est formellement interdite par la loi. La date n'a d'ailleurs pas été choisie au hasard puisqu'elle marque le 44 eme anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures en Algérie (24 février 1971).
20 mille milliards de mètres cubes
Les travaux d'exploration ont été lancés il y a quatre mois par la société nationale Sonatrach, en association avec Total. Des études préalables montraient la présence de gaz de schiste sur une zone s'étendant sur 100.000 kilomètres carrés dans le bassin de l'Ahnet. Les estimations annoncent environ 200 mille milliards de mètres cubes de gaz de réserves dont 10% seraient récupérables (soit 20 mille milliards de mètres cubes). Si ces données s'avèrent correctes, l'Algérie deviendrait la quatrième réserve au monde de gaz de schiste, derrière notamment la Chine et l'Argentine. Seulement la fracturation hydraulique est actuellement la seule technologie disponible pour extraire ce gaz du sol. Or la fracturation nécessite des besoins énormes en eau (entre 15.000 et 20.000 mètres cubes par puits). Par ailleurs, les conséquences sur l'environnement, pollution de l'eau et évaporation de produits chimiques dans l'air, pourraient avoir des conséquences irréparables sur les populations environnantes, dont la survie dépend uniquement de leur approvisionnement en eau pour leur besoin agricole (élevage, production et exploitation du sol).
Dépendante des exportations
L'Algérie est particulièrement dépendante de ces exportations en hydrocarbures (pétrole et gaz), qui représentent 97% de ses exportations, soit sa survie économique. La chute vertigineuse du prix de pétrole (passé de 115 dollars le baril à 55 dollars en l'espace de six mois) a obligé le gouvernement Bouteflika à réévaluer ses ressources exploitables. Les profits générés par la fracturation pour relancer le pays ne sont pas négligeables et le chef de l'Etat n'entend pas céder à la pression de la rue. Dans un message lu par l'un de ses conseillers, il estime qu'il faut faire « fructifier » et « tirer profit » de tous les hydrocarbures, notamment le gaz de schiste. Le Premier ministre a également tenté de rassurer les opposants au projet en certifiant qu'il ne s'agissait pour l'heure que d'expérimentations. « La question d'exploiter ou non le gaz de schiste sera tranchée à l'horizon 2020, en fonction des technologies disponibles à ce moment-là ». Il affirme que « les forages actuels ne représentent aucun danger pour l'environnement, ni pour la santé » et que « les mesures nécessaires ont été prises pour le respect des critères de sécurité. Le collectif anti-gaz de schiste demande un moratoire sur les forages réalisés par Sonatrach rappelant que « les populations du Sud qui ont, par le passé, connu les affres des essais nucléaires et d'armes chimiques, en sont traumatisées ». Le communiqué stipule également que « l'avenir énergétique de l'Algérie n'est pas dans les schistes mais dans l'optimisation des ressources conventionnelles, le développement des énergies renouvelables, dans le mixte énergétique et dans les économies d'énergies ».
Vanessa Gondouin-Haustein
Pour en savoir plus:
Manifestations en Algérie contre le gaz de schiste (Le Monde)
En Algérie, les anti gaz de schiste maintiennent la pression (Libération)