L’ « universalité » est un luxe que la France ne peut plus se permettre. Versées en somme égale à tous les foyers, riches ou pauvres, depuis 1938, les allocations familiales vont désormais être calculées en fonction des revenus. Des amendements au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) votés à l’Assemblée nationale prévoient leur modulation à compter du 15 juillet 2015. Les articles du projet de loi seront discutés par le Sénat le mercredi 12 novembre.
Les allocations familiales seront divisées par deux pour les parents de deux enfants gagnant plus de 6 000 euros par mois et par quatre pour ceux gagnant plus de 8 000 euros par mois. A noter que ces plafonds seront relevés de 500 euros pour chaque enfant supplémentaire (6500 euros de revenu pour trois enfants).
Si l’Etat a décidé de revoir le montant de ces aides, c’est qu’elle représente la deuxième source de dépenses dans la branche famille avec 12,6 milliards d'euros en 2013. 73% des familles françaises percevraient des allocations familiales. Parmi elles, des familles très aisées qui pourraient se passer de cette prestation. « Il y avait une profonde inégalité, un système qui avait été pensé après la seconde guerre mondiale pour protéger les familles plus modestes et qui était devenu aujourd’hui une forme de soutien aux familles les plus riches », explique Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée nationale. En 2014, un foyer a droit à 129,35 euros par mois à partir de deux enfants, 295,05 euros pour trois et 460,77 euros pour quatre. On rajoute ensuite 165,72 euros pour chaque enfant supplémentaire.
« Fondamentalement injuste »
Du côté des familles, certaines relèvent une confusion, à l’instar de Benoit Prunel, consultant en environnement qui a quatre jeunes enfants : « Ce qui me dérange c’est que les socialistes mélangent politique sociale et politique de l'enfant. La politique de l'enfant de la France n'a jamais été une question de redistribution de la richesse. Les allocations sont pour les enfants, et tous les enfants sont les mêmes aux yeux de l'État. Ils devraient donc obtenir les mêmes. C’est aussi fondamentalement injuste parce que, comme j’ai des revenus corrects, je contribue déjà plus que la plupart en payant plus d’impôts de charges sociales ».
Cette critique est partagée par beaucoup de politiques à gauche qui voient la fin des allocations familiales universelles comme un précédent inquiétant. Front de gauche et écologistes voient en cette réforme le moyen de financer le pacte de responsabilité, avant de combler le déficit de la branche famille de la « sécu ».
Pour d’autres, les prestations universelles sont essentielles car elles rattachent les plus aisés au système de protection sociale. Sans cela ils risquent d’aller voir ailleurs, notamment dans le privé, pour l'assurance et la protection.
Mais, même si le gouvernement est en faveur de cette thèse, il est encore plus déterminé réduire le déficit.
Gaëlle Michineau
Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (Sénat)