Epinglé. Les députés Bernard Brochand et Lucien Degauchy, et le sénateur Bruno Sido ont été épinglés par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique qui a transmis jeudi, leur dossier au Procureur de la République de Paris. Une décision prise par la Haute instance suite à un « doute sérieux quant à l'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité » des déclarations de patrimoine des trois élus UMP ». Le Parquet a décidé dans la foulée d’ouvrir des enquêtes préliminaires sur les déclarations de patrimoine de Lucien Degauchy et le Bruno Sido. Par contre, le ministère public n’a encore pris aucune décision pour Bernard Brochand.
La haute autorité signale que les parlementaires ont oublié de déclarer des « avoirs détenus à l’étranger » et précise qu’il s’agit de faits « susceptibles de constituer des infractions pénales ». Or, fournir une évaluation mensongère est passible de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende et les parlementaires s'exposent de plus, à l'interdiction d'exercer une fonction publique.
Bernard Brochand refuse de perdre ses habitudes corruptives
Le cas Bernard Brochand est le plus grave. Agé aujourd’hui de 76 ans, l’ancien maire de Cannes est soupçonné d’avoir dissimulé d’importants avoirs sur un compte en Suisse de la Banque UBS. Selon le journal l’Express, ce compte ouvert depuis plus de 40 ans totaliserait plus d’un million d’euros. Si - comme d’autres avant et après lui – l’élu jurait dans une tribune concomitante à l’affaire Cahuzac, avoir « toujours déclaré, depuis 2001, mon patrimoine au cours de mes quatre mandats successifs », il se disait résolument contre les déclarations de patrimoine en prétextant que « Cela ne ferait que dresser les Français les uns contre les autres en rappelant des heures sombres de notre histoire ». L’art de défendre son bien en appelant le bien public à la rescousse. Pourtant l’ancien maire de Cannes n’en est pas à son coup d’essai avec la justice puisqu’il est déjà inquiété dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour corruption. Depuis, un juge cannois demande en vain la levée de son immunité parlementaire comme le rappelait Libération.
L’omission pour raisons familiales de Bruno Sido
Comme les mots d’excuses au collège ou au lycée, Bernard Sido défend son oubli d’avoir déclaré son compte en Suisse pour raisons familiales. Ce qui est reproché à Bruno Sido, c’est d’avoir caché l’existence d’un compte en Suisse avant d’avoir procédé à sa régularisation en 2013. Pour sa défense, le parlementaire invoque le fait d’avoir omis de mentionner dans une déclaration de patrimoine remontant à 2011, un « compte à la banque cantonale Vaudoise » dont il avait en partie hérité de son père. Le sénateur a procédé en juillet 2013 à une régularisation de ce compte qui contenait environ 150 000€. Régularisation qui aurait débouché sur un rapatriement effectif des fonds fin 2013. « De mémoire, j'ai payé 26 000 ou 28 000 euros de pénalités », assure le sénateur. Ce à quoi, son avocat a précisé : « Il ne s'agit en aucune façon d'argent public, ni d'un sujet lié à des mandats électifs, mais, au contraire, d'une question d'ordre familial et privée ». Pourtant s’il a bien rempli sa déclaration de patrimoine en 2014, la justice lui reproche de ne pas l’avoir déclaré avant.
Le conte de fée de Lucien Degauchy
Enfin, Lucien Degauchy s’est quant à lui recroquevillé derrière une défense où il plaide sa bonne foi et son histoire a parfois des allures de conte de fée. Ainsi, le père de Lucien Degauchy ouvre en 1981 un compte en suisse à la banque cantonale de Genève pour échapper au terrible François Mitterrand et le met au nom de son fils. Le compte qui est sensé comptabiliser 100 000 euros est bien entendu « oublié ». Puis, son fils agriculteur voit ses serres et ses récoltes ravagées par un orage de grêle en 2013 et c’est à ce moment que Lucien Degauchy se souvient soudain du compte en Suisse de son papa qui devait servir selon ses propres dires « en cas de besoin ». « J'ai pensé que les dernières volontés de mon père allaient pouvoir être exaucées, assure Lucien Degauchy. J'ai régularisé la situation, payé les droits et les pénalités – près de 30% – et j'ai fermé ce compte. Aujourd'hui, on me reproche de ne pas l'avoir déclaré plus tôt ». Une belle histoire que contrecarre Mediapart pour qui le député « a quelque peu enjolivé l'histoire » et précise qu’il n’avait jamais mentionné cet argent en Suisse depuis sa première élection en 1985. Enjolivé et minimalisé car selon le site, le compte contenait 200 000 euros avant le rapatriement. Une somme contestée par l'élu qui évoque désormais « 138 000 ou 148 000 euros ».
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
Haute autorité pour la transparence de la vie publique (site officiel)
Les déclarations de patrimoine des élus (HATVP)
Les sanctions pour évaluation mensongère (HATVP)
La tribune concomitante à l’affaire Cahuzac de Bernard Brochand (site officiel B.Brochand)