Que ce soit en France, en Allemagne ou en Espagne, il est extrêmement difficile d'établir un classement précis et chiffré des entreprises privées qui remportent des contrats publics. « C'est une pratique assez générale en Europe. Chaque gouvernement possède des données et des statistiques qui ne sont pas destinées a être communiquées. Pourtant, ces informations existent », assure un haut fonctionnaire autrichien qui préfère taire son identité étant donné ses responsabilités en matière de contrôle de la commande publique européenne. Il refuse d'ailleurs de préciser si l'Union européenne a accès à ces données.
« L'UE est chargée de vérifier les contrats passés, les règles de transparence et d'équité entre les entreprises. D'ailleurs, en comparaison de ses voisins allemands ou britanniques, la France fait figure de bon élève », ajoute le spécialiste de la commande publique. « La France est l'un des pays où les règles de mise en concurrence et de transparence des informations relatives aux marchés publics sont les mieux respectées », explique-t-il. « Le code des marchés publics français est extrêmement complet et détaillé. Les appels d'offres sont systématiquement publiées, aussi bien au journal officiel national qu'européen », précise-t-il. « En bas du tableau, on retrouve la Grèce. La situation dans ce pays est très mauvaise, les fournisseurs qui se sentent injustement disqualifiés saisissent les tribunaux administratifs, qui sont débordés, lents à réagir et peu efficaces », commente-t-il.
Transparence des marchés publics et respect de la concurrence entre les fournisseurs ne signifient pas nécessairement disponibilité de l'information. Si le journal officiel européen est chargé de publier tous les avis d'attribution des marchés publics, il est extrêmement difficile de comptabiliser pays par pays, groupe par groupe, secteur par secteur le montant total des marchés passés. « Au Royaume-Uni, en Italie ou au Portugal, l'information est un peu plus accessible », assure cependant le fonctionnaire.
En Angleterre, le National Audit Office recense et vérifie tous les contrats obtenus avec le gouvernement, le montant de ces contrats et le nom de l'entreprise. En Italie, le système fonctionne également plutôt bien. Consip, la société anonyme détenue par le ministère de l'Economie et des Finances, recense les marchés, l'attribution et le montant de ces marchés. « Cette plate-forme électronique a été récompensée en 2009 par l'Union européenne pour la qualité de la mise à disposition de l'information. Elle a simplifié la procédure d'accès des entreprises à l'achat public et a permis une meilleure compréhension des informations relatives à la commande publique », explique le fonctionnaire.
En Pologne, depuis la loi de 2004 et le renforcement des règles relatives à la commande publique, le Bureau des marchés publics contrôle tous les contrats dont le montant dépasse un certain seuil et publie, tous les six mois, le résultat détaillé de ses enquêtes. « Ce mécanisme, qui visait à éviter le gaspillage des fonds publics, a permis une baisse significative du nombre d'infractions », précise un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur les marchés publics de 2006.
Quant aux pays scandinaves, « les données concernant la commande publique sont chiffrées et transparentes. Ainsi, en Norvège, les contrats publics peuvent être consultés par la presse alors qu'en Finlande, les acteurs publics peuvent, s'ils le souhaitent, intervenir dans la prise de décision de l'attribution des marchés », ajoute le haut fonctionnaire.
« La Commission européenne au marché intérieur cherche depuis plusieurs années à garantir une meilleure transparence et à harmoniser le système. Elle souhaite la mise en place d'un organisme de contrôle de la commande publique chargé dans chacun des 27 pays de contrôler, recenser et émettre des avis en matière de contrats publics », conclut le fonctionnaire.
Vanessa Gondouin-Haustein