L'ONG New Yorkaise Human Rights Watch dénonce dans un communiqué les violences commises par les forces de l'ordre, aux alentours du port de Calais, à l'encontre des migrants qui chaque jour attendent vainement de pouvoir s'engouffrer dans l'un des camions à destination de l'Angleterre. La chercheuse de l'ONG, Izza Leghtas, a indiqué s'être longuement entretenue avec 44 migrants de Calais, dont trois mineurs. Parmi ces personnes, « dix-neuf personnes, dont deux enfants, ont déclaré que la police les avait maltraitées. Huit ont eu des membres fracturés ou d'autres blessures visibles. Vingt et un, dont deux enfants, ont confié que la police les avait aspergés de gaz lacrymogène », explique la chercheuse.
Le communiqué très critique souligne que les migrants de Calais sont soumis aux « harcèlements » et « aux abus », dans les rues aux alentours du port. Ainsi, Rosa, une Erythréenne de 25 ans, rapporte que les policiers l'ont battues après l'avoir découverte dans un camion. « Ils m'ont battue », « ils m'ont rouée de coups de pied sur le sol », témoigne la jeune femme. Comme elle, Aziz, un Afghan de 29 ans, raconte comment un policier l'a poussé avant de l'asperger de gaz lacrymogène. Une fois à terre, ils ont continué à « me frapper ». Et de poursuivre, « j'avais du sang sur le visage, sous mon œil, sur le nez et le genou. Je n'ai rien vu parce qu'ils m'ont tout d'abord aspergé (de gaz) puis ils m'ont frappé aux jambes, sur tout le corps ».
Bagarres entre migrants
Après la publication de ce communiqué, le préfet du Pas-de-Calais Denis Robin a aussitôt réagi. Il a affirmé qu'un « nombre important de blessures » sont à imputer aux « conflits violents entre réseaux de passeurs » et entre migrants. Et d'ajouter, « les migrants se blessent pendant leurs tentatives de passage ».
Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve a aussitôt condamné ces propos et dénoncé la publication de ce communiqué rédigé par l'ONG qui n'a « pas pris le temps de vérifier les allégations dont elle fait état ».
Les violences policières à l'encontre des migrants de Calais sont dénoncées depuis l'ouverture en 1999 du centre de Sangatte. En 2012, le Défenseur des droits, Dominique Baudis indiquait « ces faits avérés » et ce « au regard de la multiplicité des témoignages recueillis et malgré les dénégations des fonctionnaires ».
Selon le journal Le Monde, actuellement près de 400 représentants des forces de l'ordre patrouillent jour et nuit. Une information corroborée par le Préfet du Pas-de-Calais qui a indiqué que 200 policiers, 150 gendarmes et gardes mobiles, ainsi que 35 CRS sont présents sur place.
2.300 migrants à Calais
Douze ans après la fermeture du centre de la Croix-Rouge, à Sangatte, ils sont chaque année de plus en plus nombreux à rejoindre le port de Calais. Après avoir parcouru des milliers de kilomètres, ils espèrent sa faufiler dans la remorque d'un des camions de chargement, particulièrement nombreux le mercredi et le jeudi, en direction de l'Angleterre voisine. Là-bas, se murmure-t-il, le travail illégal est autorisé, grâce à cette main-d'oeuvre bon marché.
Originaires du Kosovo, d'Albanie, de Syrie, d'Irak ou de Libye et plus récemment d'Afrique de l'Est (Erythrée et Soudan), les candidats au passage sont prêts à tout parvenir de l'autre côté de la Manche. Une cinquantaine de kilomètres les séparent de l'Eldorado.
En 2014, un peu plus de 7.500 migrants ont été arrêtés contre 3.200 l'année précédente. Ils seraient aujourd'hui quelque 2.300 migrants bloqués dans la cité portuaire. Vivant sans abri, sans accès aux toilettes, aux douches ou à l'eau courante, beaucoup comptent sur le soutien des organisations bénévoles locales. Faute de moyens et face à un nombre record de migrants, les organisations font face à une pénurie de nourriture et de places dans les centres d'accueil tandis que les températures nocturnes ont récemment descendu en dessous de zéro degré.
Vanessa Gondouin-Haustein
Pour en savoir plus:
Rapport de Human Rights Watch (site officiel-
HRW dénonce les violences policières contre les migrants (Le Monde)