Trois mois après les attentats survenus à Paris contre la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo et le supermarché Hyper Cacher, les députés Français examineront prochainement un projet de loi relatif au renseignement. « Parmi les défauts de ce texte figurent les pouvoirs considérables accordés au Premier ministre pour autoriser la surveillance, sur la base de motifs qui dépassent largement ceux reconnus par le droit international des droits humains ; le manque de contrôle judiciaire effectif ; l'obligation pour les fournisseurs de services privés de contrôler et d'analyser les données des utilisateurs, et de dénoncer les comportements suspects ; les longues périodes de conservation de certaines des données collectées ; et le manque de transparence vis-à-vis du public », s'alarme Human Rights Watch dans un communiqué publié mardi 7 avril.
« Bien que l'objectif du projet de loi soit de raccrocher les pratiques de surveillance de la France au cadre du droit, c'est en réalité une extension massive des pouvoirs en matière de surveillance qui se drape dans le voile de la loi », déplore Dinah PoKempner, directrice juridique de l'Organisation. Et d'ajouter, « la France se doit de faire mieux que ça, surtout si elle veut se distancier des pratiques de surveillance de masse abusives et secrètes des Etats-Unis et du Royaume-Uni, qui suscitent tant de contestations juridiques ».
Examen accéléré
Le projet de loi sur le renseignement doit être examiné par l'Assemblée nationale, à partir du 13 avril, dans le cadre d'une procédure législative accélérée qui exclut une seconde lecture. Le texte vise à renforcer le pouvoir des services qui, depuis les attentats de Paris, sont particulièrement engagés dans la lutte contre le terrorisme. L'objectif est de fixer un cadre légal aux emails, SMS et autres écoutes téléphoniques. Le texte précise que cette surveillance serait soumise à l'autorisation préalable du Premier ministre, tout en excluant le contrôle des juges. Le syndicat de la magistrature en France dénoncé s'inquiète de « la mise en place d'écoutes sans l'aval d'un juge » rappelant que « les juges sont indépendants du pouvoir exécutif contrairement aux services administratifs, comme la police ». Le défenseur des droits, Jacques Toubon, s'alarme également sur les risques liés à ce texte qui contrevient à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. « La loi doit être d'une clarté et d'une précision suffisantes pour fournir aux individus une protection adéquate contre les risques d'abus de l'exécutif dans le recours aux techniques de renseignement », précise-t-il. Et d'expliquer que « les ingérences dans le droit au respect de la vie privée sont d'une telle gravité qu'elles doivent reposer sur des dispositions claires et détaillées, d'autant que les procédés techniques se diversifient et se perfectionnent ».
Vanessa Gondouin-Haustein
Pour en savoir plus:
Communiqué (HRW)
Le texte de loi mal parti (Euractiv)