Il faisait partie de la promotion de la Légion d’honneur du 1er janvier, avec l’écrivain Patrick Modiano et l’actrice Mimie Mathy. Mais l’économiste français de 43 ans, Thomas Piketty, a refusé la prestigieuse distinction au motif que ce n’est pas « le rôle d’un gouvernement de décider qui est honorable. » ajoutant que celui-ci « ferait mieux de se consacrer à la relance de la croissance en France et en Europe. »
Piketty a signifié son refus de recevoir la Légion d’honneur en en informant directement l’AFP après la publication de son nom, ce qui ne passe pas auprès de certains membres du gouvernement dont Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique : « On peut refuser sans forcément le dire dans une dépêche AFP un 1er janvier. C’est une question de manière. » Le secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat et à la simplification Thierry Mandon estime lui que « c’est bien le rôle du gouvernement et de la République de décider ceux qui sont méritants. »
Thomas Piketty a eu une reconnaissance internationale grâce à son livre Le Capital au XXIe siècle publié en septembre 2013 qui s’est déjà vendu à 1,5 million d’exemplaires, devenant aux Etats-Unis un best seller en quelques semaines. Connu pour être de gauche, il se défend que son refus ait quoique ce soit à voir avec un rejet de la politique actuelle du gouvernement français. « Ce n’est pas le sujet. J’ai toujours trouvé que cette histoire de Légion d’honneur était complètement dépassée. Cette façon de décider qui est le petit groupe de citoyens honorables, dont les mérites éclatants doivent être reconnus, c’est une conception du rôle de l’Etat, du gouvernement, qui me semble totalement surannée.
Il regrette surtout de ne pas avoir été informé de cette nomination au préalable. « Le plus simple aurait été un mail, un SMS, un coup de fil... Je leur aurais tout de suite dit que je n’en voulais pas. Et franchement, ça n’a rien à voir avec l’opinion que je peux avoir de ce gouvernement [...] [Son] action ces deux dernières années a été catastrophique, et je n’ai pas besoin d’une Légion d’honneur pour le dire ou pour l’écrire. »
La Légion d’honneur ne se demande pas. Un tiers peut en revanche proposer une nomination à la grande Chancellerie, en l’occurrence Geneviève Fioraso, la secrétaire d’Etat chargée de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Elle a pris acte du refus de l’économiste mais estimait que le travail « de recherche d'excellence mené par Thomas Piketty au sein de l'école d'économie de Paris [...] méritait d’être distingué par la République française. »
Thomas Piketty n’est pas le premier à refuser la Légion d’honneur. Avant lui, en 1992, l’Abbé Pierre n’avait pas accepté sa promotion à l’ordre de grand officier, ni même l’auteur Jean-Paul Sartre, le peintre Claude Monet ou le compositeur Hector Berlioz.
Fanny Dassié
Pour en savoir plus :
"Ils ont l'air de ne pas être contents" (Le Monde)
Pourquoi le livre de Piketty est un succès aux Etats-Unis (Le Monde)
Ce que Thomas Piketti conseille au gouvernement (Le Figaro)