Victorin Lurel est le ministre des Outre-Mer depuis mai 2012 au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Ancien secrétaire national chargé de l'Outre-mer lorsque François Hollande dirigeait le Parti Socialiste (PS), il était, depuis 2005, le relais de l'actuel chef de l'Etat dans les Départements et territoires d'Outre-Mer (DOM-TOM). Victorin Lurel figure parmi les six ministres-candidats, dont le chef de gouvernement, à avoir été élus dès le premier tour des élections législatives de juin 2012, obtenant 67,23% des suffrages exprimés dans la quatrième circonscription de Guadeloupe.
Victorin Lurel est né le 20 août 1951 à Vieux-Habitants, commune rurale d'environ 8 000 habitants située à l'ouest de la Guadeloupe. Il est le troisième enfant d'une fratrie de douze enfants, élevé par des parents paysans nécessiteux. "Toto", surnommé ainsi depuis son enfance, est rapidement confronté à une instruction et à une éducation sévères, ainsi qu'à une certaine misère matérielle. La rudesse de telles conditions ne l'empêchent pas d'intégrer le lycée Gerville Réache de Basse-Terre, où l'étude assidue des matières au programme le combat à l'attrait de la gente féminine. En 1971, son baccalauréat en Sciences économiques et sociales lui ouvre la voie d'un diplôme d'études approfondies en économie publique à l'université Paris II Panthéon-Assas avant d'intégrer Institut d'études politiques de Paris. C'est là que naîtra son engagement politique, stimulé par les bouleversements sociétaux nés des évènements de mai 1968.
Le retour de Victorin Lurel en Guadeloupe, en 1981, le destine à une carrière bancaire, qu'il n'a pas le temps d'entamer : il se voit signifier une fin de non-recevoir après s'être présenté avec deux jours de retard au poste qui lui était attribué. D'abord chargé de travaux dirigés à l'Université des Antilles et de la Guyane, son statut d'administrateur civil le mène à la direction de la Chambre d'agriculture de Guadeloupe. Il s'ancre ensuite, à partir de 1989, dans la vie politique locale.
Après avoir été conseiller municipal d'opposition de Vieux-Habitants en 1989, la carrière politique de Victorin Lurel prend son essor en 2001 au moment de son élection à la tête de cette même commune, qu'il emporte d'extrême justesse avec seulement douze voix d'avance. Constamment réélu député de la quatrième circonscription de Guadeloupe à l'Assemblée nationale depuis 2002, les élections législatives de 2012 le placent parmi les six ministres-candidats élus dès le premier tour. Il a été aidé en cela par une participation importante de 42,46%, en comparaison avec les autres circonscriptions de Martinique et de Guadeloupe.
Il conquiert par ailleurs la présidence du Conseil régional de Guadeloupe en 2004, après en avoir été vice-président pendant quatre ans, et avant d'être réélu en 2010. Il détrône ainsi Lucette Michaux-Chevry, qui dirigeait l'instance régionale depuis 1992 sous les couleurs de l'Union pour un mouvement populaire, et qui n'est autre que la mère de Marie-Luce Penchard, ancienne secrétaire d'Etat puis ministre des Outre-Mer de 2009 à 2012 au sein du gouvernement de François Fillon. L'actuel ministre devrait bientôt renoncer à la direction du Conseil régional pour se consacrer pleinement à son portefeuille.
Egalement huitième vice-président de l’Association des Régions de France depuis mai 2010, Victorin Lurel est notamment secrétaire de la Commission des lois du palais Bourbon, ancien président du Groupe d'amitié France-Jamaïque, et membre des groupes d'amitié ou d'études entre la France et de nombreux pays comme le Brésil, la Chine, les Etats-Unis, l'Inde ou encore le Mexique.
Victorin Lurel fut également responsable et porte-parole de Ségolène Royal pour l'Outre-Mer au moment de sa campagne présidentielle de 2007. Ce même rôle lui est confié lorsque François Hollande brigue à son tour la présidence au printemps 2012, pour lequel il se prononce dès les élections primaires qui se tiennent au sein du PS. Il se voit ensuite confier son actuel maroquin au lendemain de la victoire du candidat socialiste, dont les scores atteignent un niveau historique dans les DOM-TOM, notamment aux Antilles et à l'Ile de la Réunion : plus de 63% en moyenne, et près de 72% en Guadeloupe. Les propres détracteurs du ministre lui reconnaissent une maîtrise des dossiers et une indéniable habileté politique, dont il a notamment faite preuve au moment de la crise sociale qui secoua la Guadeloupe et la Martinique début 2009.
Victorin Lurel semble avoir hérité sa combativité principalement du mode d'éducation dispensé par son père. Ce dernier, de sensibilité communiste et quelque peu hâbleur, imposait à ses enfants de lire des livres de Lénine, leur assénant des coups sur la tête lorsqu'ils ne comprenaient pas tout le sens du matérialisme historique. Il se définit lui-même comme un hyperactif "[ayant] horreur de ne pas comprendre". Son père, porté sur le rhum, "[lui] a appris à aimer la connaissance", ne cessant de répéter à ses enfants : "on ne rougit jamais d'apprendre, on rougit de ne pas savoir".
Le principal regret de Victorin Lurel est de ne pas avoir été professeur d'université en économie, ayant laissé tomber la soutenance de sa thèse au moment de ses études. Passionné par la lecture d'essais et d'articles de presse, l'ancien premier magistrat de Vieux-Habitants suit de près la politique américaine, et plus particulièrement Barack Obama dont il suit le parcours depuis l'ouverture de la Convention démocrate de Chicago en 2004. Il représente ainsi le PS au moment de l'investiture du président américain au cours de la convention de 2008 à Denver, au Colorado. Et se retrouve convié à Washington, en 2009, à la réunion des représentants noirs américains, le Congressional Black Caucus, considéré comme proche du parti démocrate.
"Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas […]. En tout état de cause, nous devons protéger notre civilisation […]. Il y a des comportements qui n'ont pas leur place dans notre pays, non pas parce qu'ils sont étrangers, mais parce que nous ne les jugeons pas conformes à notre vision du monde". Ces propos tenus par Claude Guéant en février 2012, alors ministre de l'Intérieur sous la présidence de Nicolas Sarkozy, choquent Victorin Lurel. "M. Guéant [s'érige] en une curieuse agence de notation des civilisations. Sans l’once d’une contrition, il persiste et signe dans une rhétorique qui dresse les citoyens les uns contre les autres", a-t-il notamment déclaré quelques jours plus tard dans un communiqué de presse. C'est en raison de "[ces] propos dangereux pour l'unité nationale" que l'homme fort de la Guadeloupe, appuyé dans sa démarche par le sénateur Jacques Gillot, avait refusé d'accueillir l'ancien secrétaire général de l'Elysée au moment de sa visite aux Antilles, quelques jours seulement après ses propos controversés.
Le ministre des Outre-Mer devra également mener à bien le référendum d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, prévu entre 2014 et 2018 à la suite de l'accord de Nouméa ratifié en 1998. Ce dernier déterminera, à terme, l'avenir institutionnel de ce territoire d'Océanie dont l'île d'Ouvéa fut, en 1988, le théâtre d'une sanglante prise d'otage menée par des indépendantistes kanaks. Cette consultation décidera aussi des futurs liens de l'archipel avec la France.
Victorin Lurel, qui fut partisan du "non" à propos du nouveau statut de la Guadeloupe en 2003, devra composer avec un rapport de forces constant depuis deux décennies entre loyalistes (majoritaires) et indépendantistes. Il se trouvera confronté à un choix délicat : soit provoquer le vote d'autodétermination dès 2014, ce qui lui permettrait de se libérer rapidement de la question de l'indépendance avec un risque de radicalisation des indépendantistes dont la défaite est attendue, soit encourager un pacte consensuel d'autonomie élargie, garant d'une paix sociale pour deux à trois générations.
Père d'un garçon, Victorin Lurel est marié à Francette Dambahadour. Cette dernière l'épaule notamment dans ses fonctions électorales. Son nom figure par exemple comme remplaçante de son mari, en tant que conseiller régional, sur l'arrêté préfectoral de juin 2011 dressant la liste du collège électoral des sénateurs de Guadeloupe.