Zaïr Kédadouche, né le 9 août 1957 à Tourcoing, a un parcours pour le moins atypique. Il dit lui-même qu’il est passé « du bidonville à l’Ambassade de France. »
Son parcours démarre de manière un peu chaotique. Il grandit dans un bidonville d’Aubervilliers près de la porte de la Villette avec quatre frères et une sœur. Ses parents, d’origine algérienne, sont arrivés en France au milieu des années 50. Son père, qu’il a à peine connu, a été éboueur pendant 10 ans à Aubervilliers (il est décédé en 1963) et sa mère, Malika, femme de ménage. C’est l’école qui lui donne l’envie de réussir. Zaïr Kédadouche s’est rapidement passionné pour la culture française et la poésie ainsi que les sciences. « J'ai été le premier beur d'Auber à avoir le bac scientifique. Mais c'est dans la rue que j'ai appris tous mes futurs métiers. » Et ils sont nombreux et variés.
Entre 1975 et 1987, il est footballeur professionnel au poste de défenseur. D’abord deux ans au club sportif Sedan Ardennes, puis de 1977 à 1983 au Paris FC et de 1983 à 1987 à l’A.S Red Star, le club mythique de Saint-Ouen en Seine Saint-Denis où son entraîneur n’est autre qu’un certain Roger Lemerre, adjoint d’Aimé Jacquet lors de la victoire de l’équipe de France en 1998 puis devenu entraîneur des bleus et initiateur de la victoire à l’Euro 2000.
En parallèle du foot qui le fait vivre, il obtient un DEUG de Sciences Humaines à l’Université Paris 8 (1982-1984) et un DUT gestion des Entreprises et des Administrations à Paris 13 (1984 à 1985).
Après 12 ans de carrière dans le football professionnel, il se consacre à l’enseignement. En 1989, il passe le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique (CAPET) et devient professeur certifié en technologie gestion dans l'enseignement technique tout en étant conseiller municipal à Aubervilliers.
En 1991, il est admis au concours de préparation pour l’Ecole Nationale d’Administration à l’Institut d’Etudes Politiques mais échoue au concours d’entrée de l’ENA. En 1993, il est reconnu pour son fort potentiel de leadership et devient un young leader du programme international d’échanges organisé par la Fondation américaine German Marshall Fund,.
En 1992, il se lance en politique sous les couleurs de Génération Ecologie, et est élu Conseiller régional d’Ile-de-France jusqu’en 1998. Mais c’est en 1995 qu’il accède à son premier poste haut placé en politique. Il est conseiller technique du ministre de la Ville et de l’Intégration Eric Raoult jusqu’en 1997. En parallèle, de 1996 à 2000, il enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris et est Chargé de Mission à l’Inspection Générale des Affaires Sociales de 1997 à 2003. Il est également l’auteur de « Zaïr le gaulois », livre publié en 1996 qui retrace bel et bien son parcours du bidonville d’Aubervilliers au ministère. En 2002, il publie un second livre intitulé « La France et les Beurs ».
Entre 2001 et 2007, il est maire adjoint Jeunesse et Intégration à la Mairie de Paris. En octobre 2002, il est membre du Haut Conseil à l’Intégration auprès du Premier Ministre de l’époque Jean-Pierre Raffarin. En 2003, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur. La même année, il est auditeur de la 15e session à l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure avant de prendre le poste d’inspecteur général de l’Education nationale.
Lui qui dit n’avoir « jamais été encarté dans un parti » entre à l’Elysée en janvier 2006 en tant que conseiller technique chargé des Associations et de la Jeunesse, auprès du Président de la République Jacques Chirac. En mai 2007, il est directeur des relations internationales au Haut Conseil à l’Intégration.
En octobre 2008, il est nommé Consul général de France à Liège en Belgique, en remplacement de Patrick Fers.
Une nouvelle distinction vient couronner son riche parcours. Il est fait Officier de l’Ordre National du Mérite en mai 2009.
En mai 2012, il est nommé par Nicolas Sarkozy Ambassadeur de France en Andorre. Cette nomination lui vaut d’être reconnu par la ville où il a grandi, Aubervilliers. Il y reçoit la médaille de la ville entouré de diplomates, d’artistes et d’anciens footballeurs du Red Star où il a évolué pendant quatre ans. « D'un point de vue affectif, c'est la plus belle médaille, » a t-il avoué lors de cette remise. « Je ne cours pas après les honneurs, mais l'hommage de ma ville, cela me touche. C'est un message envoyé aux enfants d'Auber que rien n'est impossible. Qu'un enfant de la rue issu de l'immigration peut un jour représenter la France. »
Zaïr Kédadouche, qui s’est toujours investi dans la lutte contre les discriminations et pour l’intégration de la diversité au sein de la République Française, va faire l’expérience de ce contre quoi il se bat. En juin 2013, alors qu’il est toujours en poste en Andorre, il dénonce le racisme ambiant au sein du Quai d’Orsay. Dans une lettre qu’il adresse à Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, avec copie à François Hollande, et qui fait grand bruit, il explique qu’il a été victime de discriminations en raison de ses origines, et met en cause tout particulièrement un ancien collaborateur à l’Ambassade de France en Andorre avec qui les relations auraient été houleuses. Il évoque aussi une expérience « très douloureuse » faite de « discriminations feutrées subies dans les palais dorés du Quai d'Orsay » et dénonce la « reproduction sociale des élites. »
« Ayant l'expérience de plusieurs ministères, j'ai le sentiment que le Quai d'Orsay, dans sa partie la plus influente, trace sa route dans un isoloir, cherchant à éliminer toute trace génétique risquant de compromettre la reproduction sociale de ses élites. »
Au mois d’août 2013, soit deux mois après sa lettre au vitriol, Laurent Fabius lui répond « être disposé à l’écouter plus en détails [et] à engager un effort sans précédent pour diversifier nos recrutements, y compris et à commencer par nos ambassadeurs, et pour promouvoir la parité et la diversité, » selon le directeur adjoint de la communication et de la presse du ministère des Affaires étrangères, Vincent Floreani.
Zaïr Kédadouche est un des fondateurs de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration et est président de l’association Intégration France qui aide les jeunes d’origine étrangère à s’intégrer socialement, économiquement et culturellement en France.
Pour en savoir plus :
Candide d'Aubervilliers : Zaïr Kedadouche (Libération)
Du bidonville à l'ambassade (Le Parisien)
Un ambassadeur discriminé (Le Figaro)